4 octobre 2012

Le Tor des géants, que de malheurs cette année ! Trois semaines après la course, cette édition est déjà derrière moi et la déception effacée et je sais que j’y retournerai car cet événement est juste exceptionnel!C’est peut-être le compte rendu le plus dur à écrire malgré mon abandon assez rapide. Cette course je l’avais rêvée, préparée et je m’attendais à vivre un voyage autour de ce magnifique  Val d’Aoste mais finalement l’aventure s’est terminée au petit matin dans le hameau d’Eau Rousse dans le Valsavarenche ! Voici mon histoire !

Plus qu’un cauchemar!

9 septembre, le grand jour est arrivé ! J’ai relativement bien dormi et je suis impatient de me rendre au départ. Tout est prêt ! Nous patientons avec Candide, Martine, Corinne et Pierre-André dans une gelateria avant de se rendre au départ. Je suis volontairement arrivé assez tard sur la ligne pour être le plus tranquille possible et éviter la cohue. Je fais quelques photos, je croise des amis et je me faufile pour aller au pointage. Un dernier petit mot à Elena et me voici en place, prêt à voyager ! L’ambiance est déjà super et il y a un monde fou dans les ruelles de Courmayeur. Je vois Marco Gazzola, Christophe Le Saux et quelques autres connaissances et nous discutons tout en attendant 10h. Silvano, le speaker fait le compte à rebours ! 5, 4, 3, 2, 1, c’est parti !!! En compagnie de Christophe, nous sommes les premiers à traverser Courmayeur. L’ambiance est fantastique et il y a énormément de spectateurs! Beaucoup d’encouragements font vraiment plaisir et je suis heureux de m’en aller !

Au départ!

L’émotion du départ retombe un peu et Christophe est parti assez rapidement. Je reste quelques mètres derrière lui en compagnie de Marco et nous discutons de notre saison et de voyage. Christophe monte un petit peu trop vite pour moi et je laisse passer Marco qui l’accompagne. A la sortie de la première partie raide après l’Arpettaz, je suis 1 petite minute derrière. Je monte d’un bon pas et je reviens sur les deux premiers. Nous grimpons bien et je fais maintenant le rythme. Le col de l’Arp est en vue et il me semble voir pas mal de monde. Encore un petit effort et nous arrivons au sommet de la première ascension du TDG. Je salue les spectateurs, je croche les bâtons sur le sac et je m’engage dans cette longue descente sur La Thuile.
Je laisse aller Christophe et je prends mon propre rythme. Les paysages sont toujours aussi beaux et je descends assez bien sur cette partie. Je lève un peu le pied après Youlaz sur la partie en goudron, je croise alors Théophile qui m’encourage et ensuite Christian et Martine. Un coureur d’Andorre me rattrape et nous discutons un peu… Plus tard, c’est Oscar Perez qui revient et il semble bien en jambes.En descendant en direction de La Thuile, la chaleur est assez étouffante mais cela est supportable. Durant la traversée du village, le public est présent en masse, quelle ambiance !!! Mais je n’ai rien vu, car en arrivant au ravitaillement, il y a encore plus de monde. C’est incroyable de voir tous ces gens ! Je fais donc le tour du ravitaillement et je vais vers Candide pour remplir le camelback et manger 2-3 choses.
Courmayeur – La Thuile, 2h15, c’est un bon temps sur les bases de l’an dernier. Je vais profiter de calmer le jeu jusqu’à La Joux pour bien m’alimenter et récupérer. Comme l’an dernier, je vais alterner course et marche sur cette partie assez roulante. Avant La Joux, c’est Grégoire Millet et Nico Valsesia qui reviennent sur moi et ils montent rapidement. Je reste calme et je continue à mon rythme pendant cette montée. A mi-chemin, j’aperçois les premiers, ils grimpent toujours aussi vite! Encore un petit effort, j’entends des applaudissements et j’arrive à hauteur du refuge Deffeyes. Il y a plein de spectateur, incroyable ! Quelle émotion! Je retrouve donc Pierre-André et Corinne qui m’encouragent et me donnent un coup de pouce pour le ravitaillement. Je me pose calmement et je prends un coca et un biscuit. Un petit au revoir à mes amis avant de me diriger vers le Passo Alto. Cette montée commence par un plat sur un petit sentier où je décide de marcher ! La montée est bien gérée et j’arrive au sommet en compagnie du Valaisan Julien Voeffray. A nouveau, les spectateurs sont géniaux et ils crient mon nom, merci ! Je dis quelques mots et j’enchaine avec la descente sur le bivouac Promoud. Ce passage nécessite un peu d’attention pour garder le bon chemin dans les éboulis. Avant le ravitaillement du bivouac, on me propose de la tarte mais je refuse car je vise plutôt la viande séchée ! J’arrive avec le coureur d’Andorre Carles Rossell à Promoud où je prends 2 minutes pour m’alimenter et prendre à boire. Maintenant place à un premier gros morceau avec la montée au col Crosatie.

Col Crosatie par Andrea Vallet.

 Cette montée est belle, rythmée et assez longue car on a l’impression d’aller toucher le ciel ! Je monte d’un bon pas et je profite pour voir et apprécier le paysage autour de moi, quelle chance de courir par une si belle journée. Les spectateurs font office de sentinelles et me signalent la distance me restant pour atteindre ce col. Ah, enfin j’arrive dans la partie minérale où il doit me rester 200 m  de dénivelés et je basculerai dès lors dans la vallée de Valgrisenche. Je croise au détour d’un rocher le photographe Stefano Torrione auteur du magnifique livre du Tor des Géants. Il est toujours présent dans tous les coins pour prendre de belles photos ! Allez, ça s’approche, encore quelques marches, quelques mètres et j’y suis !
Le col ! L’endroit est toujours aussi beau et je m’amuse à voir le Château Blanc que j’avais gravi au tour du Rutor en avril dernier. Je papote avec le caméraman et je me lance dans la longue descente sur Planaval. Devant, je ne vois personne et je prends un rythme correct sans trop grande prise de risque. Les sensations sont ok mais je sens que je ne descends pas super bien mais j’essaie quand même de me relâcher un peu plus. Voilà, je vois le lac du Fond et Candide est monté me voir avec Bernard, un trailer Breton rencontré au Népal lors du dernier Solukhumbutrail. Candide est aussi en compagnie de mon ami Ivo, responsable de CicliLucchini, mon magasin de vélo à  Aoste. Je suis content de le voir et ses encouragements me procurent le plus grand bien. La descente est sympa mais il faut être assez concentré. Un petit bonjour à Gloriana et Massimo et je vois Gabriele qui agite une cloche dans la forêt, sympa !

J’aperçois Planaval, signe de la fin de la descente où Giorgio prend des photos et m’encourage! Enfin, je suis content d’être sorti de cette partie et je profite de m’asseoir 1 minute pour respirer un peu. Ça fait du bien mais je repars vite fait car l’arrêt sera plus long à la première base vie de Valgrisenche dans 6 km.La montée de la vallée n’est pas grandement intéressante mais c’est surtout agréable de pouvoir penser à d’autre chose et de profiter de ce tronçon pour reprendre le rythme. J’observe les rochers bordant la vallée et je m’imagine faire de l’escalade tout en mâchant quelques bonbons haribos. C’est curieusement là, sur cette partie sans difficulté que les problèmes commencent à survenir. Je ressens un bon mal de tête et mon front est froid ? Ça m’énerve, alors je marche et j’essaie de me concentrer sur le chemin et les petits drapeaux jaunes. Quelque chose cloche mais j’ignore encore que je serais hyper mal et dans un état second dans quelques heures.Pablo m’a dépassé durant la montée car j’ai donc opté plus pour un rythme de marche. Me voici à la première base vie, Valgrisenche. L’accueil y est super comme partout, je prends des pâtes et je sors directement de la tente pour retrouver ma famille. Je prends le temps d’embarquer un pull et une bonne veste pluie car il y a des risques d’orages.

Après 6-7 minutes de break, je repars juste devant Franco Colle et Dennis Brunod. J’espère que ce mal de tête va passer ! Franco et Denis reviennent et je les suis ! Ils ont décidé de partir tranquillement et leur rythme est parfait pour moi, voilà 2 bonnes locomotives. J’espère juste qu’ils n’accélèrent pas car je n’aurais probablement aucune chance de les suivre. On discute un peu de la course et du temps pour arriver au chalet de l’Epée, le prochain point. Aie, aie, ça se gâte pour moi car quelques crampes viennent compliquer la tâche. Je gère comme je peux en buvant un maximum et en mangeant une barre. Ça ne passe pas ! Ça tire ! Tant pis, je pense donc au bouillon au refuge pour me redonner de l’énergie. Pablo n’est pas loin et nous revenons sur lui au refuge de l’Epée. Les gardiens nous accueillent superbement bien et je profite pour me préparer à la nuit avec un pull et ma lampe Petzl Nao. Pendant ce temps la soupe arrive et je reprends des forces avec quelques aliments salés pour gérer ces crampes ! Voilà, je boucle le sac et je remercie les gardiens pour leur aide et leur accueil !A peine sorti du refuge que la soupe ressort de mon ventre dans la foulée ! Je reste prostré et je me vide littéralement ! C’est la cata et le gardien a de la peine pour moi ! Pablo me regarde et semble soucieux en me voyant dans cet état. Une seule chose à dire, c’est mauvais, très mauvais signe. Que faire ? Subitement, je me sens mieux, plus léger alors je repars et je bois quelques gorgées d’eau et de thé. Curieusement, des forces reviennent et je rattrape assez vite Pablo avant le col Fenêtre. On parle un peu mais j’accélère pour me rapprocher de Franco et Dennis. A l’arrivée au col, je revois Stefano le photographe et je m’arrête 1 minute pour enfiler une veste et allumer ma lampe. C’est parti pour cette descente vertigineuse sur Rhêmes. Malgré mes soucis, je garde encore confiance et je sais combien la route est encore longue.

Col Fenêtre par Stefano Torrione.

Ma Petzl Nao éclaire super bien et je reviens sur les deux coureurs Valdotains qui eux ont encore une mini-lampe. J’aperçois quelqu’un au loin, c’est mon ami Bastien Fleury qui est monté m’attendre en-dessus de Rhêmes. Je suis content de le voir et il me suit dans la fin de la descente. A l’entrée du village, je retrouve Candide et je lui explique mes péripéties. Je dois impérativement manger pour continuer. Au ravitaillement, je prends une bonne dizaine de minutes pour me changer et manger une banane.
Ça passe un peu et je me sens d’attaque pour repartir. Je suis à nouveau avec le coureur d’Andorre et nous nous lançons ensemble vers le col d’Entrelor.  Je me persuade que ça va mais je ne sais pas que je me lance à l’assaut d’un chemin de croix, d’un vrai calvaire ! Je laisse partir le coureur d’Andorre et je continue à mon rythme. La montée jusqu’à l’alpage d’Entrelor se passe assez bien et je reste calme car la suite va vraiment être difficile.Sur le replat, mon ventre me fait souffrir et je dois faire des petites pauses. Marco Zanchi accompagné d’un Japonais me reprend et Marco me propose du café. Rien à faire, rien ne passe ! Je vois leurs frontales s’envolées et je ne peux m’accrocher à ces lueurs d’espoir ! Je commence à tituber un peu et je mets toute ma concentration à compter les balises que j’aperçois devant moi.  Ah, ce col me parait tellement raide ! Ma tête tourne encore plus et mon estomac est complètement retourné. Je dois m’arrêter, hum voilà un bon caillou pour m’asseoir. J’observe les lampes dans le col Fenêtre et tout d’un coup, je vomis ! C’est horrible et je ne peux plus bouger pendant quelques minutes. Je vois une lampe arrivée, c’est le valdotain Diego Vuillermoz. Je lui dis deux mots et je le regarde avancer. Je repars en désespoir de cause ! Je ne bois plus, je ne mange plus depuis un bon moment.
Je m’assois à nouveau et comme avant, je vomis à nouveau ! Mon estomac est vide, complètement vide mais mon corps me demande encore de vomir. C’est dur, ça me coûte toutes mes forces. Je me traine et je me raccroche à une chose, les balises TDG devant moi. Je stoppe à nouveau et je ferme les yeux 2 minutes. Dennis Brunod arrive et j’essaie de lui parler. Il m’explique que ça ne va pas très bien alors j’essaie de partir avec lui. Ca n’en finit plus et je confonds presque les balises avec les étoiles tellement ce col me parait hors d’atteinte. Nous nous arrêtons pratiquement à chaque virage et mon estomac continu de me faire souffrir, c’est horrible. J’ai peur ! J’hésite à faire demi-tour !

C’est au bout de moi-même que j’arrive au col Entrelor. Je suis raide ! Je demande l’aide d’un bénévole pour enfiler ma veste et mes gants. Dennis est déjà parti mais des crampes m’empêchent de me relever. Un bénévole me masse un peu et je me relève. La descente sur Eau-Rousse est terriblement longue et je suis content d’être avec Dennis. Nous marchons à 2km/h et nous nous arrêtons à de multiples reprises. Rien ne va et je suis dans un état second. Mon esprit est ailleurs et mes jambes avancent tel un robot en fixant balises après balises. Une chose me marque, toutes les balises ont été arrachées et trainent au bord du chemin. Dès que je m’assois, mon ventre me rappelle le calvaire de la montée. Dennis veut s’arrêter et dormir mais je le secoue pour continuer à marcher. Une lampe arrive derrière nous, c’est Francesca Canepa qui nous dépasse.

Enfin, j’arrive à l’alpage de Djouan, la descente est encore longue, très longue. Candide est venu me chercher et m’invite à courir mais je me sens vidé et je me laisse juste aller en crochant des cailloux sur le chemin. Je sais déjà que je vais faire une grosse pause au ravitaillement et c’est soulagé que j’aperçois le village. Dans le ravitaillement, Francesca est là, tranquille et impressionnante après son superbe UTMB ! Je prends un coca et je passe directement dans la tente voisine pour dormir une heure. Je ne dors presque pas car je pense à la suite et mon état m’attriste. Après 1 heure, rien n’a changé et je ne peux rien mangé. On me propose des médicaments pour mon estomac mais je ne veux plus rien avaler.Je ne veux pas croire encore à l’abandon alors je décide de dormir dans l’Hostellerie du Paradis jusqu’au petit matin en espérant me reposer et reprendre des forces. A 7h, je ne sais pas encore quoi faire. D’un côté, j’espère pouvoir repartir et faire une belle remontée mais le col Loson est le principal problème. C’est un monstre et je dois parcourir 1700m de dénivelés. J’hésite ! Je sors et je regarde les autres coureurs partir. Que faire ?Je bois un peu et je mange un biscuit mais je suis encore très faible, trop faible pour repartir. Je tremble et je me sens trop fragile. Cette année, je ne verrai ni le col Loson, ni la suite de ce fantastique parcours. C’est dur mais ce n’est finalement que du sport, mon sport, ma passion et je ne veux à tout prix pas mettre ma santé en danger ! Le Tor des Géants m’a vaincu, c’est fini !

Un immense merci à ma famille et mes amis pour leur soutien et aussi aux personnes qui m’ont soutenu durant cette saison. Egalement, un grand merci à tous les gens de la Vallée d’Aoste pour leur soutien et encouragements ainsi qu’à l’organisation pour tout le travail effectué pour la plus belle aventure qu’il soit !

Je reviendrai !

4 commentaires:

  1. Belle mentalité, bravo! Honnêtement pour moi, le Géant c'est toi!

    Une course peut être difficile la première fois, mais elle l'est souvent encore plus les fois suivantes, car on sait ce qui nous attend

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  2. Comme toi, j'ai été bien malade dans cette montée du col d'entrelor. Un vrai chemin de croix. Merci pour tes mots, ce partage et ton état d'esprit. Le Tor des Géants est unique.
    Pierre

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  3. j'ai eu beaucoup de plaisir a te lire. T'es un champion, faut se nourrir des échecs.
    On sent la passion !!
    Grand bravo à toi!
    J-Ch

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  4. Jules je t'attend à Ayas l'année prochaine!!!!
    Ciao
    Jarno

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