Je vais pour l’instant uniquement décrire ma course, je donnerai ensuite quelques explications sur mon séjour à la Réunion et sur l’avant course.
Il est 21h, nous sommes quelque part dans la Twingo louée pour l’occasion sur une petite route cannière réunionnaise près de St-Philippe, le lieu de départ. Nous avons pu prendre un raccourci, mais les bouchons sont denses et ça n’avance pas, c’est déjà la course pour arriver au départ! Martine, ma maman, nous pose à 2km du départ sur la route. C’est parti pour l’échauffement jusqu’au départ, je ressens qu’il y a déjà un engouement hors norme sur cette île pour ce trail. Nous longeons donc la route nationale avec Candide, Vincent et Hervé, il y a du monde partout et le stade illuminé nous apparaît à Cap Méchant.
Vers le stade il y a des trailers et des spectateurs dans tous les recoins et nous sommes à 21h30 au contrôle matériel. Les contrôles des sacs sont pour tout le monde et il faut également enfiler le t-shirt de la course sous peine d’y rester là...
Sur le stade, l’ambiance est surchauffée et un orchestre donne le ton. Pour l’instant mon seul souci est de ne pas perdre Candide dans cette foule et de ne pas partir trop éloigné. Nous nous faufilons et prenons le sillage de Vincent et Dawa afin de se rapprocher. Le 1er coup de canon retenti, au 3ème ce sera parti. La tension monte et au dernier coup de canon tout le monde se bouscule afin de passer la grille de départ, c’est une ambiance indescriptible, c’est énorme, on dirait qu’on s’évade de prison ! C’est parti, les fous sont lâchés !!!
Nous sommes très bien placé et je retrouve tout de suite Candide, nous évoluons sur les premiers kilomètres de route ensemble, je laisse partir bien des coureurs. Nous laissons passer les premières femmes Marcelle Puy et Cathy Dubois. Nous discutons ensemble et gardons un bon rythme. Il est temps de bifurquer sur le chemin en béton et de commencer le premier secteur difficile jusqu’à Mare Longue. Cette partie est en fait une route sur 12 km avec 700m+. Je prends d’entrée un bon rythme à 9km/h, Candide reste un moment avec moi avant de prendre son propre rythme. Je n’aime vraiment pas cette partie et je reste concentré, je garderai mon rythme de 9km/h sur toute la montée. Après 45 minutes, j’ai quelques maux de ventres dus à la chaleur, heureusement il pleut quelques gouttes et le temps se rafraîchit, ça me fait un bien fou ! Je double quelques coureurs, prend un verre d’eau au petit ravito et après 1h30, j’arrive au pied du début du sentier du volcan à Mare Longue. Je pointe et remplis la poche afin d’être paré pour la bataille. Je me sens pleinement dans la course et très très lucide…
Au début du sentier, de nombreux spectateurs applaudissent, je pars la tête baissée au pas de course, je suis survolté et je double les autres trailers 1 à 1 malgré les 1700m+ qui m’attendent. J’ai un super rythme et je m’aide des arbres et branches afin de me tracter, je double groupe par groupe plusieurs coureurs et revois aussi Marcelle Puy qui monte super bien. J’ai l’impression de faire abstraction de la difficulté du terrain qui est bien plus dure et raide que la plupart des sentiers que je connais. Les frontales se font plus rares et la végétation baisse, j’approche les 2000m. Je rattrape avant le passage à côté du volcan Lenormand et les Réunionnais Mussard, Vos ainsi que Trivel, 5ème de l’UTMB 2009. A ce moment, je sens l’odeur des cendres du volcan en éruption et je vois de magnifiques lueurs orangées, attention le brouillard et le froid arrivent...
Je mets la veste, je me sens bien et je trotte sur tous les plats et replats, à travers le brouillard. Je reconnais Christophe Le Saux et sa crinière que je rattrape. Après l’UTMB me voilà à nouveau en sa compagnie, nous discutons bien et nous nous perdons même sur le sentier vers Foc-Foc, Mussard nous indique alors la bonne direction. Je vais un petit peu moins vite vers Foc-Foc car je fais une pause pipi et le brouillard me ralentit. Je repars de Foc-Foc avec Christophe et nous arrivons au ravito du volcan environ 1h après. Au ravito il y a des tentes partout et je crie pour appeler ma maman qui doit me ravitailler ! Je la trouve et remplis le camelback, pendant ce temps Christophe a filé et je repars seul.
Je continue et traverse la route avant de ma lancer dans la pleine des Sables, il faut être attentif car le brouillard traîne et le balisage n’est pas très présent… Je longe la pleine des Sables et je me lance à l’assaut de la montée de l’Oratoire Sainte-Thérèse. La montée est agréable et je reprends un trailer dès le pied. Le chemin est bon et je profite de voir les lumières des poursuivants sur la pleine des Sables, Candide est probablement là dessous parmi une de ces lucioles, allez !!!
Il faut continuer en direction du piton Textor où ma maman devrait être présente. Après coup, je ne me souviens plus très bien de cette partie mais je me rappelle du point de contrôle du piton Textor où on m’annonce Candide 30 minutes derrière. Je me ravitaille vite fait et file pour Mare à Boue. Dans la descente, le chemin est doux et fort agréable à travers un enclos barbelé. Sauf qu’après quelques kilomètres, je ne vois plus de balisage et je commence à douter, je ralentis et marche pour voir si des trailers me suivent. Je vois une frontale, c’est bon je reprends un bon rythme. Le chemin ne descend pas franchement et il faut marcher ou courir quelques remontées pour ensuite atteindre une route bétonnée. Le parcours prend cette route, traverse un pré bien balisé pour une fois et s’engage sur une ligne droite jusqu’au ravito de Mare à Boue, kilomètre 50. J’y reste un petit moment et un journaliste me pose des questions mais je ne suis pas très bavard.
Je continue sur une longue route en terre, j’ai un peu sommeil car je suis seul et cette partie ne m’intéresse pas. Je vois une lampe derrière moi, ouf, c’est Guillaume Lenormand qui me reprend, je suis presque content de me faire rattraper car je peux enfin discuter et prendre le rythme de quelqu’un d’autre. Il est bon, il relance beaucoup alors je me force un peu à le suivre afin de ne pas être seul dans le col de Bébour. Nous arrivons au col et descendons dans un chemin ultra technique dans la brousse. Nous rattrapons Le Saux et Trivel, tant mieux car Lenormand file et je profite de rester avec les 2 autres trailers. Nous avons un bon rythme et revenons sur la route bétonnée, nous discutons bien et après une bonne montée sur la route prenons l’entrée de la forêt de Belouve. Je suis content car l’organisation a maintenu ce sentier au lieu de la route. Je m’engage dans le chemin et après plusieurs obstacles, je percute un arbre, oups, ça réveille bien, je suis ko à terre !!!
Lionel et Christophe m’attendent et je prends la tête du groupe à mon tour. Le chemin est bien mais interminable, ça descend, ça remonte, je suis lassé et j’aurais presque préféré prendre la route bétonnée… Après une énième remontée nous arrivons enfin sur la route au parking de Bélouve, on nous annonce 20-22ème , je bois du coca et je grinotte des petits raisins secs.
C’est reparti à 3 pour le gîte de Bélouve et la descente sur Hellbourg. Le passage au gîte n’est qu’une formalité alors que la descente sur Hellbourg est tout simplement vertigineuse. Avec Lionel et Christophe, nous faisons la descente en dedans afin de ne pas faire trop chauffer les cuisses et de garder des forces pour la centaine de kilomètres restant.
Avant Hellbourg, kilomètre 71, je les laisse filer un peu et arrive au poste de contrôle 21ème. J’entre dans le vif du sujet avec la montée du cap Anglais suivi d’une grosse descente sur Cilaos. Je suis bien et sûr de moi et de mes forces, tout est OK pour le moment ! Je pars 1 minute après Christophe et après Lionel qui est super facile, je reprends tout de suite un trailer local, Eddy Myrtal. Je reviens sur Christophe et nous continuons cette montée de 1200m+. Le rythme est bon et l’entente parfaite, la montée par contre est tout simplement un mur. Je n’ai jamais vu ça, dans certaine épingle il faut escalader et se tenir aux arbres et racines, incroyable ! Les paysages sont superbes et très sauvages au moment où nous arrivons au cap Anglais. Sur le chemin vers le gîte du piton des Neiges, Myrtal nous dépasse et nous apercevons devant nous plusieurs trailers à 5-10 minutes devant. Au gîte, je remplis la poche et je plonge sur Cilaos avec Christophe.
Cette descente est extrêmement cassante car le sentier est fait de grosses marches. Nous décidons à nouveau de lever le pied dans cette descente afin de conserver nos genoux...
Jusqu’au Bloc, la descente a été sûre et sans bavure, du bon boulot. Il nous reste 3 km sur route pour arriver à Cilaos km 90 ! Dans les rues menant au stade, il y a pas mal de spectateurs qui encouragent, cela fait un bien fou. Je pointe enfin au stade et je rejoins directement ma maman afin de me changer et de faire le plein. Je me sens toujours très bien, très lucide, bref la grande forme ! Je prends un plat de pâtes et repars de suite en direction du terrible col du Taïbit.
Le chemin quitte rapidement Cilaos en direction de la cascade de Bras Rouge et du pied du Taïbit, la chaleur est étouffante et je profite des torrents pour me tremper le visage et la casquette. Le sentier est bon et assez agréable, sûrement le calme avant la tempête. Je traverse une ravine et commence une bonne montée, le chemin monte beaucoup mais redescend encore plus bas pour repasser cette même ravine. Je discute avec quelques randonneurs histoire de me divertir.
J’entends des applaudissements, je dois arriver au pied du Taïbit, me voilà à ce ravito où je remplis bien le camelback et m’asperge d’eau.
C’est parti pour 1000m+ !!! Je garde un bon rythme et me tire grâce aux arbres, je reviens sur un trailer Quechua, c’est Frank Gorry qui n’est pas bien. Je continue et devine Hervé Giraud-Sauveur au milieu du chemin, couché sous une couverture de survie. Je m’arrête et lui conseille de s’arrêter, il insiste et veut poursuivre ! Je lui propose de m’accompagner jusqu’à Marla de l’autre côté du col, c’est ok. Hervé reprend un bon rythme et soudain Christophe Le Saux nous rattrape, nous discutons tous les trois et Hervé nous dit de filer.
Le col est long mais la chaleur diminue, on nous annonce 2 coureurs réunionnais juste devant, allez !!! 2080m, nous sommes au sommet après 101 km ! Nous plongeons sur Marla en espérant revoir les 2 trailers juste devant nous. La descente est raide avec pas mal de racines pour arriver au pointage de Marla. Nous remarquons les 2 réunionnais au ravito, avec Christophe nous prenons vite fait un coca et repartons de suite, histoire de leur donner un coup au moral ! Dans une tente, je remarque un Quechua, est-ce Vincent Delebarre ?
Me voici dans Mafate, haut lieu du Grand Raid, c’est mythique, je me sens petit face à cette nature. Nous sommes bien avec Christophe et rêvons un peu vite à notre arrivée à St-Denis, nous passons les galets de Trois Roches facilement mais déjà les deux réunionnais reviennent bien et aussi Vincent Delebarre. Le chemin devient terrible, plutôt que de redescendre directement sur Deux-Bras, nous n’arrêtons pas de monter et descendre dans le cirque de Mafate, cela devient bien dur et les encouragements de Christophe m’aident à crocher. Le groupe de 5 est constitué et nous arrivons en commun à Roche Plate. Comme à tous les ravitos, il n’y a que de l’eau plate et du coca, y’en a marre, et en plus j’ai sommeil !
Je parle à Vincent de mes soucis de sommeil et lui indique ma décision de dormir 10 minutes aux Orangers, je dis à Christophe de filer avec les 2 autres trailers. J’arrive enfin aux Orangers, Vincent, pas au mieux, va me tenir compagnie pour ma micro-sieste. Je me couche et essaie de fermer les yeux, je prends cette décision car je sens un gros coup de mou et je commence à avoir de la peine à distinguer les obstacles.
10 minutes après, c’est reparti et je me sens de suite mieux, Guillaume Lenormand et Jean-Claude arrive et nous rattrape sous les Lataniers. Vincent me dit de filer avec eux, les multiples remontées sont assassines, j’suis cuit et je dois laisser filer! Je sens un gros coup de lassitude, je n’ai plus envie. Tant pis, je marche et j’irai au bout !!!
La partie jusqu’à Deux-Bras va curieusement assez vite passer, surtout quand je reverrai les frontales de mes prédécesseurs. J’arrive au ravito où je recherche tout sauf du coca et de l’eau, y’a rien d’autre, mince !! En même temps, Ouledi le réunionnais surgit comme un avion de nul part, sale coup au moral.
Bref, je pars pour Dos d’Ane et son mur de 3.45 km, je reprends assez vite Guillaume et Jean-Claude et nous continuons ensemble. Je savais que les montées de nuit étaient plus longues, mais celle-ci malgré les petits 700m+ fut un vrai clavaire. Je suis entrain de me dire qu’on s’est trompé et que les réunionnais ont modifiés le parcours exprès pour nous ! Je pense bientôt être au sommet et on nous annonce encore 30 minutes, c’est horrible, c’est terrible même... Je baisse la tête et prie pour arriver, enfin le sommet ! Je téléphone à ma maman pour avoir un soda ananas à la Possession et à Candide pour prendre des news. Il n’est pas au mieux et me dit arrêter au fond de Mafate le genou en compote, encore un coup au moral : Ouledi l’avion, Dos d’Ane, Candide qui stoppe… Quelle galère!
Pour changer, pas d’autre chose que de l’eau et du coca. Je pars seul de Dos d’Ane pour la Possession. Je trotte un peu et arrive dans un passage très technique en forêt avant la route goudronnée, j’assure. Sur la route, je n’ai même plus envie de courir alors je marche durant un virage et cours sur l’autre, histoire de varier… Je trouve un super bénévole et le supplie de me donner de la limonade, yes c’est gagné, j’engloutis sa bouteille, désolé mais merci !
Je me lance dans la forêt où les marches commencent à faire bien mal, je croche car je vois mon équipe à la Possession. Ce passage fut probablement un des plus durs, le parcours inintéressant me paru 2-3 fois plus long que lors de la reco. Je suis sûr qu’on m’a mal dirigé, est-ce que je tourne en rond ? Balisage pratiquement inexistant, tout est fait pour douter.
Enfin, je vois une présence humaine qui m’indique que je suis bientôt à la fin de la descente, j’arrive dans la Possession. Il me faut aller au ravito en suivant un chemin dans la forêt où des enfants me guident et me larguent aussi. La mairie, ENFIN ! Je cours et je vois tout le monde, ma maman, les amis : Vincent et Hervé qui ont arrêté, Fanny, Dominique et Isabelle, quel bien fou !!! En plus Guillaume et Jean-Claude sont là, tout bon et j’ai mon soda ananas !
Je repars 1 minute après eux, je sais maintenant que j’irai au bout de mon rêve, à la Redoute… Je suis bien encouragé le long de la route en goudron avant d’atteindre le chemin des Anglais. Je revois les deux et nous partons ensemble sur ce sentier caillouteux très raide en direction de la Grande Chaloupe. Cette partie passe bien et nous alternons course et marche dans les parties raides, ce Grand Raid est terrible, il n’y a pas de cadeau, pas 1 kilomètre facile. Dans la descente sur la Grande Chaloupe, je laisse un petit écart, les jambes tirent beaucoup dans ces passages délicats. A la Grande Chaloupe, je dois m’asseoir et reposer les jambes. Guilaume et Jean-Claude partent, mince.
Je pars 1 minutes après mais je somnole. C’est encore le chemin des Anglais et je suis à nouveau seul. Je continue le chemin sur une longue crête, pas de frontale devant ni derrière, c’est terrible. Je pense à plein de chose, pourquoi suis-je ici, pourquoi…?!
J’arrive à la route bétonnée que je poursuis jusqu’à St-Bernard où m’attend une mauvaise surprise, encore 4 km de route en montée. Je baisse simplement la tête et continue pas à pas, je l’aurai ce Grand Raid, je vais le bouffer !
J’arrive au début du sentier pour la Fenêtre, dernière bonne montée. Dans la montée, il y a une odeur de fumée, je me dis que l’on a décidé d’incendier cette forêt après les feux du Maido ? NON, c’est les bénévoles qui ont fait un feu… Je les salue et poursuis pour atteindre mon Eldorado au Colorado.
Je revoie Christophe dans la forêt, il est cuit et me dit de continuer, bravo et courage Christophe ! Je reviens aussi sur Guillaume et Jean-Claude. Sauf problèmes, nous finirons à trois. C’est parti pour cette terrible dernière descente, je fais le rythme et rapidement nous voyons le stade, le rêve approche ! Je fais passer Jean-Claude afin qu’il nous fassent profiter des raccourcis.
Ensuite c’est : le pont, Candide, le t-shirt de la course à enfiler et ces derniers mètres, la fatigue m’empêche de plus apprécier le moment. Nous finissons main dans la main et arrivons 15ème ex æquo en 30h04, quel rêve ! J’AI SURVECU!Merci à ma maman, Candide, Vincent, Hervé, Fanny, la famille Chaming’s ainsi que Gino et ses amis pour tout !!!
waouuw!!! BRAVO!
RépondreSupprimerC'est impressionnant..je suis fière de t'avoir comme cousin :)
Bonne chance pour la suite, et à bientôt!
Becs,
Marion
Incroyable! Franchement chapeau!
RépondreSupprimerPierre Gabioud
Bravo, c'est incroyable ! Et tu racontes tout ton parcours avec tellement de réalisme qu'on a l'impression de te suivre (mais dans notre tête seulement !)
RépondreSupprimerYves et Marga
Hello, merci pour vos messages! C'est très gentil!
RépondreSupprimerA bientôt
jules-henri
Beaucoup de respect et d'admiration pour ces heures et ces heures d'efforts ! Aussi bien lors de cette folle aventure que pendant les autres trails, entraînements, etc. Félicitations
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