22 septembre 2011

Tor des Géants : mon plus long rêve!!!

Voilà le Tor est terminé depuis une semaine, j’ai passé probablement les moments sportifs les plus intenses de ma vie. Je vais relater avec ce récit mon histoire, ma folle aventure !
Nous sommes donc le 11 septembre 2011, le départ du Tor des Géants est enfin là. Cela fait presque 1 an que j’attends ce moment, je suis impatient ! Nous rejoignons donc le départ avec Candide et je croise plusieurs amis coureurs ou spectateurs. Je salue Christophe le Saux, Stéphane Couleaud ou encore Laurent Tissot. Je ne suis absolument pas tendu et je me réjouis de partir à l’assaut des cols !



Chap 1 : Courmayeur – Valgrisenche: 49 km 3996 D+ : C’est parti !

Silvano le speaker fait le compte à rebours. 10h, le départ est donné !!! Un moment magique dans les ruelles bondées de Courmayeur. Je suis dans les premiers et nous laissons Christophe faire le rythme. La vitesse est parfaite et nous trottinons tranquillement en direction de Dolonne. A mes côtés il y a Ulrich Gross vainqueur 2010 et Salvator Calvo Redondo 2ème. Il fait déjà très chaud et Gross en profite pour enlever une couche tout en courant… Il est temps de monter, nous bifurquons pour le chemin en direction du col de l’Arp, 1ère difficulté. Alors que Christophe fait la course en tête, je reste en 6ème position en compagnie d’Ulrich Gross et de Dennis Brunod, champion de ski alpinisme. Le rythme est bon et je m’aide bien des bâtons. Je reviens sur Calvo et je reste quelques mètres en sa compagnie. Calvo a déjà des fourmis dans les jambes et il s’envole en solitaire. Je poursuis donc avec Brunod et Gross. Brunod a la fâcheuse tendance à couper les chemins, Gross se charge de lui dire ses pensées… Ca chauffe déjà ! Bref, je ne cours aucun mètre de cette montée et à coups de grandes enjambée je recolle à mon ami Christophe. Ca fait du bien de parler un peu, nous discutons beaucoup de sport et de la vie… Le col est en vue et Calvo est déjà passé, Brunod et Mauri au profit d’une petite coupe me passe, tant pis la course est longue. Je ne m’excite pas ! Je suis avec Christophe et nous repassons 2 et 3ème. Le rythme en descente est digne de ma victoire au Valdigne 55km, c’est trop pour moi. Je laisse partir 4 coureurs… Au ravito de Youlaz, pas d’arrêt, je file en direction de la Thuile. Je connais par cœur la descente sur goudron et je sais qu’il ne faut pas trop appuyer sous peine d’y laisser les cuisses ! Bref, j’arrive à la Thuile en 2h17, déjà 10 minutes trop rapide par rapport aux prévisions. Je prends bien le temps au ravito où Candide me donne un bon coup de main ! C’est reparti ! Sur la route pour la Joux, je décide de marcher pour bien récupérer avant la montée sur le refuge Deffeyes. Je laisse revenir Mauri et je continue ma petite balade…Je passe la Joux devant les spectateurs et je poursuis la montée, rapidement un trailer me reprend. Je ne le connais pas encore mais rapidement nous faisons connaissance, c’est le tessinois Marco Gazzola. Il monte à un super rythme et je profite de cette locomotive, en plus nous discutons bien et la montée passe plus rapidement. Avec Marco, nous faisons la jonction sur Gross, Mauri et Brunod avant le refuge Deffeyes. Je fais le plein d’eau et je discute avec les spectateurs, c’est un moment fort sympathique. J’aperçois au loin Calvo et Christophe qui ont déjà fait un petit trou… La montée au Passo Alto est difficile et je me contente de monter à bon rythme. Dans cette montée Grégoire Millet est revenu tel un boulet de canon et nous sommes désormais 6-7 trailers en quelques mètres. Le col est passé et je croche mes bâtons au sac. Cette descente est en partie dans un pierrier, je marche avec des grands pas et je reviens sur Brunod et Mauri. Tout d’un coup j’aperçois Gross et Christophe 100 mètres à droite dans la pente, un joli moment. Ils ont perdu le bon chemin alors nous les attendons. Je fais maintenant le rythme en direction de Promoud mais je laisse rapidement passer Gross et Christophe qui veulent descendre plus vite. Nous arrivons en groupe à Promoud mais je n’ai pas le temps de prendre un bout de fontine que les autres ont filé. Tant pis, je mange en compagnie de Marco et nous prenons même la pose ! Je croise aussi Alberto Lorenzi des Courmayeur trailers qui nous indique 45 minutes d’avance sur le temps de 2010 ! Le groupe a maintenant quelques minutes d’avance sur moi, je ne m’affole pas et je fais ma montée au même rythme qu’eux mais 2 minutes derrière. C’est pas plus mal car le rythme en descente était trop élevé pour moi et je préfère la solitude… Je fatigue un peu et j’arrive péniblement au col Crosatie, l’endroit est magnifique et l’arrivée au col taillée dans la pierre. Je prends quelques secondes pour crocher mes bâtons et je pars dans cette longue descente. Je ne vois que Brunod devant, tant mieux, je descendrai à ma main. Je passe le lac du Fond et je garde un bon rythme en direction de Planaval. Je croise Candide qui est monté prendre des photos, il m’encourage et me donne quelques infos ! Ensuite je vois Silvano Gadin, il me soutient et je salue sa famille. Je plonge sur Planaval, me voici enfin au ravito. Je prends un peu d’eau et un bout d’orange avant le prochain stop à la première base vie de Valgrisenche. Sur cette partie, c’est décidé je vais beaucoup marcher. Pari tenu, je n’aurai couru que les petites redescentes et c’est à 17h40 que j’arrive à la base vie avec ma boîte Powerbar sous le bras (afin de remplir mon camelback sous la tente). Je suis super bien et très lucide. Candide ne peut pas venir alors je mange des pâtes à toute vitesse et je sors 4 minutes après pour aller auprès de Candide. J’aperçois Ulrich Gross qui me dit que tout va bien ! Je change de chaussures et je fais le plein de bonbons tout en mangeant aussi quelques fraises Tagada ! C’est reparti avec les montrail au pied !




Chap 2 : Valgrisenche – Cogne: 56 km 4141 D+ : Le trou noir !

C’est donc en mâchant mes haribo que je repars de Valgrisenche. A la sortie du village, il y a un combat de reine. La scène est cocasse car les spectateurs se détournent du combat pour nous encourager, c’est sympa ! Je continue la montée en direction du chalet de l’Epée, le temps se couvre mais c’est agréable pour courir. Je garde un petit rythme et Millet et un américain me dépasse dans les alpages. Je gère car l’ascension est extrêmement longue. Je vois enfin le chalet de l’Epée. J’y arrive en courant et je croise mes amis gardiens rencontrés lors de la reconnaissance. Ils sont adorables et me donnent tout ce dont j’ai besoin. Un délicieux bouillon et je repars ! Je leur sers la main et leur dis que je reviendrai ! Merci ! Il reste 400 mètres pour le Col Fenêtre, je monte toujours doucement et je regarde arriver au sommet Grégoire Millet qui me fait forte impression. Le temps se couvre et c’est sous le tonnerre que j’arrive au col, il grêle même ! Je prends 1 minute pour mettre ma veste et la frontale et je me lance sur la vertigineuse descente sur Rhêmes. Les conditions sont limites et vu la difficulté du terrain, je me contente de marcher en descente. Heureusement la pluie stop et je mets ma veste autour de la taille. J’arrive à 20h36 dans le joli village de Rhêmes, ma famille est là et je vois mon ami valdôtain Alessandro. Je prends quelques minutes au ravito pour manger de la viande séchée et du fromage. Je me prépare à partir qu’Alessandro me prévient qu’il pleut des cordes. Mince !!! J’enfile à nouveau la veste et je repars avec mon rythme de randonneur en direction du premier monstre, le col Entrelor ! Il pleut mais je ne réfléchis pas, j’avance… Je vois la frontale de Gazzola à la sortie de Rhêmes, je temporise pour l’attendre mais quand il revient il monte trop fort pour moi ! Tant pis j’irai seul ! La pluie cesse et je suis à nouveau très bien pour marcher. Devant Marco s’est envolé et je ne le vois plus. Quand j’arrive dans les gros pourcentages d’Entrelor, je peine et je dois m’arrêter à de multiples reprises. Je me pose parfois sur un caillou… Sous le col, il fait froid et je mets mon capuchon, les conditions sont dures. Je ne vais pas bien quand j’arrive au col. Heureusement je vois un bénévole et je profite pour prendre un coca. Pour la suite de la descente, je ne peux pas me prononcer car je n’ai plus de souvenir et je me rappelle juste avoir beaucoup marché et pensé! Le dernier souvenir avant Eaux-Rousses est le bénévole sous l’alpage de Djouan !
Je vois mon frère quelques mètres avant le ravitaillement, je suis raide et je dois dormir. Rien ne va ! Je pense pour une des premières fois de ma vie de trailer à l’abandon, c’est un mauvais très mauvais signe ! Je passe directement du ravito au lit pour une 30ène de minutes. A la sortie du lit, je suis complètement entêté et je repars en mode automatique pour le col Loson à 3300m ! En vue, 2 coureurs. C’est la seul chose qui me motive ! Essayer de les rejoindre !!! Je reviens tout d’abord sur un coureur coréen, nous discutons un peu en anglais et je lui montre les chamois. C’est super, on en croise des dizaines dans la première partie de montée, preuve qu’on est jamais vraiment seul… J’accélère un peu et je reviens sur Patrice Baud. Nous restons quelques mètres ensemble et je profite d’une fontaine pour m’hydrater. Je continue mon périple, j’arrive dans le dur et je ressens un peu l’altitude. J’ai fait le trou, personne devant et derrière ils sont assez loin. Je souffre dans le col et je dois mettre la veste, à 5-6 reprises je m’arrête sur un caillou et je regarde les lueurs derrière moi et celle dans le col Entrelor. Que la montagne est grande et cela me paraît infini !!! Sous le Loson, j’éclaire une 20ène de bouquetins, ils sont tous là et doivent se dire qu’il faut être fou pour être à 2h du matin dans ce coin ! Je ne suis pas seul et je me bats pour une chose, mettre un pied devant l’autre, oui cela est mon seul but, avancer !!! Le col est là devant moi, un moment magique ! A peine je bascule que je vois le poste de secours perché je ne sais comment ! Cette lumière me fait un bien immense et je peux enfin arrêter de parler aux bouquetins. J’assure cette descente et je peux de nouveau courir vers le refuge Sella. J’ai juste à tourner la tête à droite ou gauche pour observer des bouquetins, mes anges gardiens, encore un moment magique ! Je prends un thé au refuge et je plonge sur Valnontey et finalement Cogne. C’est une descente bien maîtrisée et sans histoire ! Il est 6h du matin et j’arrive à la base vie, j’ai survécu à première nuit !!! A Cogne il fait nuit, je vais profiter pour dormir un moment et bien déjeuner avec des tartines au Nutella !




Chap 3 : Cogne – Donnas: 44 km 3348 D+ Ciao alta via 2 !

7h15, il est temps de lever le camp. Le départ est à nouveau difficile mais la fraîcheur matinale me fait du bien. Je passe Lillaz et je continue en direction de Goilles où je croise de très sympathiques bénévoles, je bois un thé chaud et je papote un peu… La partie jusqu’au refuge Sogno Perdze n’est pas très difficile mais une douleur inquiétante au genou m’empêche de courir les petites descentes. Tant pis, tant que je mets un pied devant l’autre, ça avance… Je profite de regarder les paysages automnaux avec ces belles couleurs. J’arrive au refuge, je me repose et je signe le livre d’or, à ce moment je suis 5ème. J’y trouve aussi des petits gâteaux aux fromages absolument délicieux. Je repars pour la fenêtre de Champorcher et les 400 derniers mètres de dénivelés, le genou tire encore… J’arrive au sommet 30 minutes après, c’est un soulagement car je n’ai presque plus que de la descente jusqu’à Donnas. Mais est-ce que cela sera en courant ou en marchant ? Par miracle, la douleur disparaît et je prends un plaisir immense à courir ces routes et sentiers du parc du mont Avic, l’endroit est superbe ! Je m’arrête 1 minute à Dondena et je plonge en direction de la vallée de Champorcher où je croise Patricia qui est montée me chercher avant le ravitaillement ! Je me sens hyper bien, mon seul souci est d’être trop habillé… Je pointe donc à Chardonney à 12h20, c’est une magnifique station valdôtaine ! Les bénévoles m’accueillent et on m’offre même un bonnet au couleur de la région ! MERCI pour l’accueil Giorgio et ton équipe! C’est parti pour la longue descente vers Donnas. Je suis bien et je traverse aisément les pierriers, en arrivant à un carrefour je tourne sans me poser de question en suivant le parcours effectué lors de la reconnaissance. Au bout de 300 mètres, je ne trouve plus de balises, que faire ? Je suis sûr à 95% d’être juste, mais je remonte vérifié au carrefour, mieux vaut assurer. Le panneau confirme mes pensées, c’est bon ! J’accélère un peu et j’arrive au petit village de Pontboset. La traversée de multiples ponts est bucolique et cela change un peu du paysage minéral. C’est une jolie partie et après quelques remontées j’aperçois le Fort de Bard.
J’arrive dans la plaine et je passe les bourgades d’Hone et Bard avant de suivre la voie romaine pour Donnas. Dans la ville, le parcours n’en finit plus et c’est avec soulagement que je retrouve mes proches à la base vie. DONNAS, c’est un signe fort ! Premièrement j’ai bouclé l’alta via 2 donc je vais changé de versant et ensuite comme me le dit Candide, je suis sur le chemin du retour, oui le retour à Courmayeur ! Je me repose et mange quelques pâtes avant de repartir pour un gros morceau, le fameux et redoutable secteur 4 !



Chap 4 : Donnas – Gressoney St Jean: 53 km 4107 D+ : Seul au monde !

A la sortie de la base vie de Donnas, dans les vignes la chaleur est étouffante. Sans faire de gros efforts, je transpire à grosses gouttes. Je m’engouffre enfin dans la forêt et après 1h30 j’arrive à Perloz. Comme toujours, l’accueil dans ces petits villages est magnifique. Prochain gros point, Etoile du Berger à Sassa. Cette partie est facile mais elle comporte quelques belles montées à travers les villages. Le soleil commence à se coucher et les températures deviennent meilleures. Me voilà à Etoile du Berger, je croise Grégoire Millet qui est victime de tendinites. Je décide de ne pas dormir et de prolonger jusqu’au refuge Coda. Grégoire part avant moi et je le rattraperai plus loin ! Je quitte ma famille et je me prépare à m’engouffrer dans la 2ème nuit ! La lune apparaît en-dessus du refuge et le soleil se couche ! Au col Portola, le spectacle ne peut pas être décrit ! C’est majestueux !!! Avec Grégoire nous apprécions le paysage et faisons quelques photos avec un photographe. Je file en direction du refuge où j’entends des klaxons, probablement pour Marco. Au col Carisey, une lampe me signale le sommet, je vois le val d’Aoste et la plaine, superbe ! Toutes ces lumières en bas et moi qui suis seul au monde sur cette arête, dans ces moments on se rend compte que l’on fait le plus beau sport du monde ! J’arrive au refuge Coda sous les klaxons, c’est super sympa et motivant ! Je rentre dans le refuge et je me mets sur une chaise longue, je suis tellement bien et je mange fontine sur fontine, trop bon !!! Comme prévu, je file au lit pour une petite heure ! Au bout d’une heure, le téléphone sonne, non je ne rêve pas ! Il faut repartir ! J’enfile mes chaussures et ma lampe et je mange un fontine pour la route. Je suis semi-conscient jusqu’au col Sella. Je reprends mes esprits et je me sens reposé comme jamais, j’ai l’impression de partir pour une sortie d’entraînement ! La descente jusqu’à Fontainefredda se passe bien, je marche toujours bien ! Je baisse la tête et j’avance, je suis hyper lucide ! Je passe un petit chalet où on me sert du thé et je continue mon périple jusqu’au lac Vargno ! Au lac Vargno, je suis accueilli par une 10ène de bénévoles. On me sert du thé, du bouillon et du fontine, le délicieux fromage local ! Je suis bien, j’augmente un peu le rythme en direction du col Marmontana, l’endroit est sauvage et mystérieux ! Je ne vois aucune autre lampe, je suis seul, seul au monde !!! Je passe au col et j’aperçois le prochain point, le lac Chiaro ! Les bénévoles ont installé un projecteur et cette lumière me réconforte, me donne un immense courage ! Je suis comme attiré par cette lueur ! J’arrive au ravito et je demande une chose, du fromage ! Un jeune me sert un énorme morceau de fontine (du vieux cette fois) que j’apprécie beaucoup. Dans ma tête tout est clair et c’est un moment d’euphorie. Je fais abstraction de la nuit et ma tête est déjà tournée vers Niel ! Je passe toutefois encore une fenêtre « Creuna di Le » au nom patois, cette montée est dure mais le dénivelé est rapidement avalé ! Après ce passage, j’entends la génératrice au col Vecchia et je vois la lumière ! C’est un grand moment, je suis très ému de savoir que des gens passent leur nuit pour nous aider ! La lumière est loin mais j’arrive rapidement, je veux voir du monde et j’entends l’armonica d’un spectateur ! Je parle et raconte mon aventure, les bénévoles sont fantastiques et me proposent une petite croûte au fromage, c’est tellement bon que j’en mange une 2ème ! Il me reste 100 mètres de dénivelés et je passe au col Vecchia. « Allez Jules, une grosse descente et tu seras sorti de la partie tant redoutée, allez !!! » Je descends et je vois le sms de mon frère qui me dit que Calvo dort ! Ca m’encourage et je l’appelle pour lui annoncer mon arrivée ! Après 2-3 remontées assassines, je pointe à Niel à 4h du matin ! Je suis heureux de retrouver mes proches et je m’engage pour encore un col de nuit, le col Lazouney. Je monte tranquillement et je bascule dans le vallon de Loomaten. C’est un magnifique coin mais les sentiers sont toujours difficiles étant de nuit ! Je prends encore un thé chaud à Oberloo et je file sur Greyssoney. Après 2 kilomètres sur goudron je retrouve la base vie, j’y croise Marco qui repart exactement quand j’arrive. Il fait nuit alors je profite de dormir un moment et d’attendre le jour pour repartir. Je m’habille chaudement et je repars moins d’une heure après. Les tartines et le thé m’ont réconforté… Je suis à ce moment 3ème à 2 heures de Christophe…



Chap 5 : Gressoney St Jean – Valtournenche: 39 km 2601 D+ : L’effet hélico !

Me voici donc d’attaque pour le 3ème jour. La mise en jambe après Gressoney est facile car le parcours suit une route le long de la rivière, un peu de fraîcheur idéal pour me réveiller. Je monte sur Alpenzu, la journée est grandiose au même titre que le Mont-Rose ! L’ascension sur Alpenzu se fait sur un large sentier assez agréable et c’est environ 1 heure après mon départ de la base vie que j’y arrive. Je bois et grignote un biscuit vite fait avant de partir pour le col Pinter. Quand je vois le col et la distance qu’il me reste, je prends un coup au moral, c’est interminable ! Je baisse la tête et je l’aurai mais pas par pas ! J’entends l’hélicoptère de la course, il vient me filmer ! Je profite de l’effet hélico et je dois gagner 2km/h ! C’est ça de pris et je me sens moins seul, l’hélico tournera autour de moi pendant 5-6 minutes. Il s’échappe et je me retrouve seul face au col, j’avance, j’avance ! Me voici au col Pinter, le panorama est superbe et le Cervin m’attend ! Je discute en italien anglais de la course avec une très gentille personne qui m’encourage ! Maintenant place à la descente, les jambes réagissent bien et je trottine jusque vers Crest où je croise un trailer Italien, Jarno. Jarno me donne des infos sur la course et m’accompagne un bout. Je tombe sur un premier ravito privé où je me gave de jambon de Bosses, un régal ! Je traverse le coteau jusqu’au refuge Guide Frachey par les pistes de ski, c’est une partie peu intéressante. Heureusement je suis en compagnie d’un journaliste et sportif valdôtain qui suit les coureurs pour son reportage, alors ça parle ! J’arrive au refuge, je ne traîne pas car il y a un gros ravitaillement au bas de la vallée à St-Jacques. Je suis sur les traces de la Mezzalama, la mythique course de ski alpinisme ! Je descends encore à un excellent rythme et ce après 216 km, tout va pour le mieux !!! St-Jacques, l’endroit est super joli, on s’y attarderait volontiers ! Malheureusement j’ai quelque chose d’extraordinaire de prévu : un retour sur Courmayeur par « sentier alpin ». Je débute la montée au refuge du Gd-Tournalin, le chemin est bon et un petit courant maintien les températures. Je monte correctement et je rencontre des promeneurs avec qui je discute un peu ! J’aperçois le refuge et une nouvelle fois je me rends compte de l’utilité des reconnaissances. Sans cela, j’aurais déjà déprimé à l’idée de ne jamais voir le refuge ! Un bouillon et de la viande sèche avalés et je m’en vais sur le Col Nannaz et le col Fontaine. Je fais la rencontre de Gabriele, un trailer valdôtain extrêmement sympathique qui s’entraîne sur les sentiers du Tor. Il me décrit le paysage et m’explique toutes les montagnes du coin ! Plusieurs fois je m’arrête pour simplement contempler la nature ! C’est merveilleux et grandiose ! Je descends maintenant en direction de Valtournenche, j’approche de la fin d’après-midi et je sens un bon coup de fatigue. J’ai sommeil et il me faudra à nouveau dormir. Je revois Brunod à l’entrée de Valtournenche et je file dans les ruelles pour trouver la 5ème base vie. Je vois Elena à l’entrée de la tente qui m’encourage énormément ! C’est super sympa mais ma seule idée est de faire une sieste. Après 30 minutes, je me lève et je mange du thon et des compotes, je sais pas pourquoi j’ai pris ça mais ça passe bien ! Me voilà près pour une CCC, soit environ 95km…



Chap 6 : Valtournenche – Ollomont: 44 km 2702 D+ : l’homme aquarium

Le menu est simple, il me reste moins de 100 km et près de 6000m+… C’est les chiffres mais en course on y pense que très rarement. Je crains cette partie car à l’entraînement, j’avais subi le terrain et j’avais été surpris par la difficulté. Je pars donc tranquillement en direction du Refuge Barmasse. Je suis bien et j’arrive à grimper à bonne allure, au bout d’environ 1h-1h15 je passe devant le refuge et je prends un bon thé. Tout va bien et j’ai encore 1h30 de jour où je veux profiter d’avancer au maximum ! J’arrive à la Fenêtre d’Ersaz où un bénévole est venu à ma rencontre. On parle un peu et il me guide vers l’alpage de Varegnon. J’explique d’où je viens aux bénévoles et ceux-ci commencent à me parler patois ! Malheureusement les traditions se perdent et je ne comprends rien ! C’est parti maintenant en direction du bivouac Reboulaz. La nuit tombe vite et je m’habille un peu. Peu après le lac de Tsan, le balisage est peu présent car les vaches sont dans les parages, je traverse donc le troupeau en leur parlant un peu… Je sens la fatigue et j’ai l’impression que toutes les pierres sont des maisons et je vois de drôle de choses. Je reprends mes esprits et je chantonne un peu. La lune est de nouveau là et le spectacle superbe. J’arrive enfin à la fenêtre de Tsan après une montée nocturne interminable ! Le spectacle est saisissant et j’observe au loin le bivouac ! Allez encore une 30ène de minutes et j’y suis ! Je suis forcé de marcher la descente, le chemin était extrêmement raide et difficile ! Reboulaz, le bivouac, j’y suis ! Je rentre à l’intérieur, on me propose des spaghettis. Les bénévoles sont au petit soin et je mangerai les meilleures pâtes de toute la course. C’est un moment particulier que d’être dans ce petit lieu au milieu des montagnes ! Je ne traîne pas pour ne pas m’endormir et je monte encore au col Terray. La montée est une formalité mais la traversée sur le refuge Cuney est terriblement longue et dure. Le parcours est sans pitié, il ne pardonne aucune erreur ! Je rentre dans le refuge Cuney et je salue le gardien rencontré au mois d’août. Je fais un arrêt rapide et je prends la décision de ne pas dormir et poursuivre sur la Valpelline. Je sais que c’est un risque mais je décide de le prendre. Je cherche maintenant le bivouac Rosaire Clermont, il est introuvable et je pense y être à chaque détour de montagne. C’est pas possible, je dois encore halluciner, mais où est-il ??? J’entends à nouveau un bruit de moteur, et oui ! C’est le projecteur au bivouac ! Je rentre et je bois un thé chaud en compagnie des bénévoles, à ma droite j’aperçois les couchettes. J’ai une envie terrible de m’allonger mais je résiste et je repars de plus belle… Une seule devise, pas par pas, mètre par mètre… La montée au col Vessonaz est courte mais j’ai un peu peur de la descente, vais-je tenir ? La descente est vertigineuse et interminable. Dans les environs d’Arp Damon, les vaches ont mangé le balisage. Je marche et je cherche les marques jaunes sur les cailloux. Cette descente est même infernale, impossible de courir, les cailloux sont partout ! Je marche et je titube même. Je prie pour arriver au plus vite à Closé ! Ouf, la barrière, le pont, une grosse montée et j’y suis ! Je suis au ravito. Je dois dormir au plus vite un moment. On me guide vers la tente et je m’endors au son de la génératrice. C’est bruyant mais il fait bon chaud ! Un moment après je me réveille et Candide vient me voir ! Je repars ! Allez encore 3 cols !!! Je reprends ma lampe et je marche vers mon destin, vers mon rêve ! On me dit que Christophe n’est plus très très loin ! Je baisse la tête et je marche, que faire d’autre ! J’aperçois au détour de la forêt, une lune imaginaire : bien placé, le projecteur au sommet du col me donne cet effet ! Cela me donne un coup de fouet et je file vers le mayen sous le col, à nouveau tout est éclairé et j’ai l’impression d’être dans un rêve ! Je m’arrête tranquillement prendre un thé et on me parle du français, de mon ami Christophe ! Je ne comprends rien et d’un coup d’œil je le vois allonger dans l’aquarium (abri de secours). Je l’appelle et l’invite à me rejoindre, c’est un moment irréel, Christophe me semble tombé du ciel !!! C’est donc reparti en sa compagnie, il titube et se réveille gentiment ! Je garde mon rythme et prends quelques mètres d’avance ! Lorsque j’arrive au col Brison, je suis abasourdi ! Mais comment ont-ils mis un abri sur ce lieu, c’est prodigieux ? Je suis heureux de voir aussi deux fantastiques bénévoles à ce moment de l’aventure, ils me donnent du thé et j’attends l’arrivée de Christophe quelques secondes après moi ! Il est bien maintenant et nous faisons la descente du col ensemble. Le chemin est hyper raide et tout faux pas pourrait nous condamner ! On marche avec beaucoup de prudence ! Au bout d’un moment, Christophe m’appelle ! Il a coincé son bâton dans un coin pas possible ! Je ne sais pas pourquoi, je rigole et je remonte pour tenter de déplacer le caillou !? La scène est cocasse car on est les deux entrain de tirer ce caillou alors qu’on arrive juste à tenir debout…C’est bien sûr impossible mais le bâton finira par venir ! On arrive donc à Berrio Damon. Une petite pause et je repars pour Ollomont. Je trottine un peu car la route est très longue et cassante ! Je vois Ollomont, OUI !!! Encore 1 km de route et nous y sommes ! Le jour pointe le bout du nez et je me sens très très bien ! Je croise à nouveau ma famille qui m’aide à fond au ravito ! Nous prenons 20 minutes et je motive Christophe pour repartir ! Allez plus qu’un secteur ! Le DERNIER !!!


Chap 7 : Ollomont – Courmayeur: 48 km 2880 D+ : Malatra, plus qu’un (1) col !

Le départ d’Ollomont est symbolique car la prochaine base vie est Courmayeur, lieu d’arrivée !!! Nous partons donc d’Ollomont en compagnie de Christophe. Je suis super lucide et j’aimerais trop que Christophe reste avec moi ! Je l’attends un peu mais je préfère filer et je l’attends si jamais au refuge Letey Champillon. La montée est belle et très agréable, je sens que j’approche du but mais il ne faut encore rien lâcher ! A Champillon, je prends un biscuit et un coca, encore 300 mètres et j’y serai ! Je ne vois malheureusement plus Christophe… Je me hisse avec les forces qui me reste au sommet et je suis accueilli par des randonneurs ! Je leur raconte mon périple et je fais une photo en leur compagnie ! Ce moment est magique, le Mont-Blanc n’est plus qu’à quelques encablures et je sens des frissons en moi ! Je repars en courant dans la descente, je suis super à l’aise et je prends un plaisir fou ! La descente sur Ponteilles est un gros morceau mais ma lucidité me permet de gérer au mieux ce sentier ! Après Ponteilles, j’emprunte une route en terre. J’ai chaud et j’ai un gros coup de barre. Je suis proche de m’endormir au bord du chemin. Je parle tout seul et je téléphone à mon frère pour passer le temps. C’est plat mais je n’ai plus envie de courir. Je marche à 6km/h ! Je croise à nouveau quelqu’un peu avant un hameau, je discute bien et la fatigue passe un peu ! Je vois St-Rhémy, go go go !!! Il fait toujours chaud et Candide est venu me soutenir avant le ravitaillement ! Le ravitaillement est déplacé à Bosses soit 2 km plus loin ! Ce n’est pas un souci et j’arrive à 12h pile au village. Les gens sont adorables et ils me donnent tout ! Je m’allonge 5 minutes et on me donne des poches de glaces, d’ailleurs je n’ai pas encore compris pourquoi !? C’est reparti pour un ultime col, le dernier, peut-être le plus beau, Malatra ! A la sortie de Crévacol, il me reste 1200 mètres de dénivelés, une broutille quoi ! Je monte d’un très bon pas et je prends le temps de faire quelques photos en compagnie de cyclistes dessous l’alpage de Tsa de Merdeux. La télé valdôtaine me fait une petite interview, un peu de pub pour La Fouly et l’A Neuve et un coca plus tard je m’engage sur le sentier en direction du refuge Lac. J’approche, j’y suis tout bientôt ! MALATRA je l’aperçois, le col est là devant moi ! C’est un grand moment et quelques larmes coulent sur mon visage, l’émotion est grande ! Je me tire à la corde et je termine la montée de cette cheminée ! L’endroit est fabuleux et les gens adorables. Un tout grand moment !!! Je n’ai plus qu’à toucher le Mont-Blanc ! Je reste 2 minutes sur un caillou et je pense à tout le parcours effectué, à toute l’aventure… On m’attend à Courmayeur ! Je repars en courant jusqu’au refuge Bonnati où Candide est monté me voir ! Je cours sans problème et j’ai l’impression d’avoir encore de bonnes ressources ! Je bois à la fontaine et je repars pour Bertone. Cette partie en balcon est exigeante et j’ai beau la connaître par cœur dans l’autre sens, c’est tout de même interminable. J’alterne donc course avec beaucoup de marche ! Sécheron, Arminaz, Lescheux, les alpages défilent et je sens le refuge se rapprocher. Peu avant le refuge, on m’explique la mésaventure de Marco et on me dit que je vais remporter le Tor des Geants. Je passe donc Bertone où on me confirme à nouveau ce qui c’est passé, je suis perturbé ! Je ne réfléchis pas et je fonce sur Courmayeur, je regarde la montre et je pense pouvoir faire moins de 80h. Je me lâche bien en descente et je croise à nouveau mon ami Alessandro, Gabriele et mon frère qui sont venus me chercher ! Je passe Villair et je vois les Beuffon de Courmayeur qui sont là pour m’accueillir. Je poursuis les ultimes mètres avec eux et j’arrive à 17h58 sur le tapis rouge d’arrivée ! J’y suis, je l’ai bouclé ce monstrueux Tor des Geants !!! Les émotions sont fortes mais je suis encore trop dans ma course pour en profiter ! Je m’approche de Marco et nous parlons de tout ce qui c’est passé ! Je prends ma couronne et je la partage avec lui, car pour moi il avait course gagnée ! Je discute aussi avec les organisateurs et c’est après quelques minutes et interview que je peux enfin rejoindre ma famille ! Je l’ai fait, je l’ai bouclé mon rêve !!!
Je reste en compagnie de ma famille tout en attendant Christophe, il parviendra à 22h à Courmayeur et son arrivée est triomphale ! Bravo Christophe ! Je n’ai qu’une envie me coucher et rêver !





Merci Candide, Martine, Patricia pour votre aide ! Et merci à Elena, Jarno, Gabriele et Alessandro mes amis valdôtains pour vos encouragements… Merci aussi à tous les bénévoles et à tout le val d’Aoste, vous êtes INCROYABLES, oui incroyables comme cette course !!!

14 commentaires:

  1. Un immense bravo pour tout ce que tu as réalisé, ainsi que pour ce superbe récit.
    Le Tor des Géants est une aventure unique.
    Un partage de tous les instants avec cette montagne qui nous fait tant vibrer.
    Bien à toi,
    Pierre

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  2. Bravo mon Julo !!! Une course presque tranquille, sans pression, à ton image. Tu es un beau coureur. Au plaisir de refaire un bout de chemin ensemble.
    S./

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  3. Bravo Jules pour ce que tu as realise. Tu es un immense geant et a 24 ans un bel avenir devant toi. Mille Felicitations.
    Martine Volay

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  4. Bravo Jules-Henri, ça c'est du voyage, énorme!

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  5. Bravo Jules Henri. Ton récit est une merveille. Et tu es un Grand Bonhomme. Ca donne envie

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  6. BRAVO pour ton incroyable course ! Et Merci de ton récit captivant !

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  7. Un grand bravo à toi et Merci pour ton récit, vraiment génial. Je me suis rappelé que j'ai également mangé les meilleures pâtes du tor à reboulaz. Le refuge privé de cuneaz s’appelle l'aroula :
    aroula.cuneaz@gmail.com

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  8. Bravo pour ce très beau résultat et pour avoir manger autant de fontine :) Combien d'heure de sommeil au total?

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  9. merci pour vos messages! C'est très sympa!!!
    J'ai dormi 3h30 Florent mais en plusieurs petits morceaux... a+
    jules-henri

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  10. Bravo Jules-Henri !
    Quelle course, quelle aventure, quel voyage !!!!
    Tu as de belles années devant toi champion :-)

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  11. bravissimo
    una grande corsa su grandi montagne
    complimenti

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  12. Superbe récit ! Voici un article très complet concernant ce trail, n'hésitez pas aller jeter un oeil =D : http://www.milepakr.com/blog/inspirations/le-tor-des-geants/

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